Au lendemain de sa réélection lors des présidentielles de 2019 quel a été le premier souci de Macky Sall ? Améliorer le pouvoir d’achat des sénégalais ? lancer un grand plan pour l’éducation, la santé, l’environnement ? Vous n’y êtes pas du tout ! La première chose qu’à faite le chef de l’État a été de supprimer le poste de Premier ministre afin de pouvoir concentrer tous les pouvoirs entre ses mains.
Et que croyez-vous qu’il a avancé comme argument à cette méthode digne de la tribu des Jivaros d’Amazonie, connus pour être des coupeurs de tête ? Qu’en cumulant les deux fonctions il règlerait les dossiers plus efficacement et plus rapidement. Sur le même principe, que n’a-t-il supprimé une dizaine de ministres (Affaires étrangères, sécurité, finances, etc.) afin d’endosser, là aussi, leurs costumes ? In fine le Trésor public sénégalais aurait fait des économies, c’est sûr !
En vérité en supprimant ce poste, Macky Sall entendait surtout avoir les mains libres et les coudées franches, au prétexte d’une gouvernance « fast track ». A l’époque, l’opposition avait eu beau pousser des cris d’orfraie la décision avait été entérinée du seul fait du prince. Le même prince qui vient, comme par hasard de rétablir ce poste.
Se serait-il rendu compte à l’usage qu’il était un excellent pare-feu, un parfait fusible en cas d’incendie comme cela a été le cas lors des émeutes du mois de mars dernier ? C’est très probable. Il est tellement facile de désavouer et « remercier » un serviteur lorsque la situation se gâte, tandis que là Macky Sall s’est trouvé en première ligne à devoir essuyer la fronde du peuple sénégalais. Le tonnerre grondait dans la rue et il n’avait plus de paratonnerre pour le protéger !
Courageux, mais pas téméraire, l’actuel chef de l’État a donc préféré récupérer son bouclier protecteur, son garde du corps constitutionnel. Mais bien sûr, il lui fallait arranger ce retour en grâce institutionnel du Premier ministre, de manière à ne pas paraître se désavouer lui-même. Il a donc trouvé une explication qui ne trompera personne : la présidence en début d’année de l’Union Africaine qui est supposée lui occasionner un surcroît de travail. A lui de briller sur la scène internationale, et à son « sous-fifre » de s’occuper du quotidien des sénégalais. Ben voyons !
Reste à trouver la bonne personne, celle qui sera aux ordres, qui sera un fidèle exécutant de la pensée présidentielle. Dans les couloirs du pouvoir il se murmure qu’Amadou Ba l’ancien ministre des finances ferait l’affaire et à défaut celui d’Amadou Hott, ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération. L’avenir nous le dira !
Il faudra aussi pour ce faire au « président sénégalais-président de l’Union Africaine » promulguer une énième réforme constitutionnelle, mais on sait déjà que le nouveau Premier ministre n’entrera en fonction qu’après les élections locales du 23 janvier 2022.
J’ajoute, pour mémoire, qu’à l’exception des régimes présidentiels, comme aux Etats-Unis, où il n’existe pas de Premier ministre mais un(e) vice-président(e), si les démocraties parlementaires ont un Premier ministre, c’est bien parce qu’il a son utilité institutionnelle.
Il faut croire que seul Macky Sall l’ignorait !
Ibrahima Thiam,
Président du mouvement Un Autre Avenir