Connaître, où mieux connaître pour certains d’entre vous le président du nouveau mouvement politique « Un Autre Avenir » tel est l’objet de cet entretien intimiste avec Ibrahima Thiam.
Lorsqu’on demande à Ibrahima Thiam s’il n’éprouve pas une certaine nostalgie d’avoir quitté le Sénégal pour s’installer en France celui-ci répond avec un peu de mélancolie dans le regard :
« Aussi loin que porte mon regard lorsque je me retourne sur mon passé, je vois toujours mon pays d’origine, mes parents trop tôt disparus, ma vie de Kalolack, avec beaucoup d’émotion et une très grande fierté. Mes racines sont ancrées au plus profond dans le sol de notre pays même si, comme beaucoup de Sénégalais de la diaspora, j’ai fait mes études et ma vie professionnelle en France et que je m’y suis épanoui, avec ma famille. Je n’entends rien renier car ce n’est pas ainsi que l’on peut construire quelque chose, mais le temps est venu pour moi de servir le Sénégal ».
Alors bien évidemment se pose la question : Pourquoi dans ces conditions créer un mouvement politique Un Autre Avenir alors qu’il en existe déjà plusieurs centaines et en quoi celui-ci est-il différent des autres ? La réponse ne se fait pas attendre :
« D’où je suis, dans mon pays d’adoption, la France, j’ai toujours aidé les miens restés au Sénégal, c’était d’ailleurs la raison, comme tant d’autres, de mon départ et de mon installation ici, à Paris. Je pense sur ce point, avoir rempli mon devoir, car c’est un véritable crève-cœur, un sacrifice de quitter sa terre natale. Personne ne le fait avec plaisir. Aujourd’hui quand on voit le nombre de migrants, y compris d’origine sénégalaise, qui encourent des risques immenses pour rallier l’Europe c’est une véritable tragédie personnelle pour les intéressés en même temps qu’un terrible constat d’échec collectif pour une nation quand force est de constater qu’elle n’a pas su retenir les siens en leur permettant d’avoir une vie décente sur place. Les frontières, partout, se referment, et il faut à ces migrants africains braver tous les dangers en traversant des pays au péril de leur vie avant d’affronter une traversée périlleuse de la Méditerranée. Dans ces conditions l’impératif est de tout mettre en œuvre pour assurer demain le développement économique et social du Sénégal afin de fixer les populations sur son sol. Et cela répond à la question posée. Mon objectif en présidant aux destinées de ce nouveau mouvement dépasse ma simple personne. Il est dicté par mon souci du bien public, du bien-être général exclusivement. Mon unique ambition est de contribuer à faire demain du Sénégal un pays de référence en Afrique. De lui permettre d’affronter le 21e siècle avec bien sûr les réserves naturelles qui sont les nôtres, le tourisme et le pétrole par exemple, mais surtout les richesses intellectuelles de notre jeunesse de plus en plus attirée par l’entreprise et en particulier la création de start-ups. Une jeunesse actuellement frustrée. Mais ce développement n’est possible qu’au prix de réformes importantes qu’il nous faut entreprendre dans les domaines, démocratiques, institutionnels, administratifs, économiques, sociaux, etc. Dans les semaines qui viennent notre Mouvement Un Autre Avenir va participer, et enrichir, le débat public et nous serons source de propositions, au-delà de toute idéologie, toute polémique et en dehors de tout esprit partisan. Nous sommes nombreux, autant au Sénégal que parmi les sénégalais installés à travers le monde à réfléchir à des solutions nouvelles, certaines s’inspireront d’exemples puisés à l’étranger lorsque leur bien-fondé sera démontré, d’autres seront innovantes et le fruit de nos réflexions individuelles ».
Evidemment une interrogation vient immédiatement à l’esprit et il faut en avoir le cœur net : Pourquoi se mêler aujourd’hui de la vie politique au Sénégal lorsqu’on a une situation professionnelle assurée en France, et est-on légitime pour le faire ? Ibrahima Thiam balaie d’un revers de la main ce qui, il le sait, ne manquera pas de lui être opposé à l’avenir :
« Occuper les fonctions de Secrétaire général d’un centre de recherche (INSERM-UPMC) est pour moi une expérience incomparable où je suis confronté quotidiennement à l’animation et la coordination d’équipes de chercheurs, à la préparation des budgets, la passation de marchés en programmant et planifiant les achats ainsi qu’en rédigeant les cahiers des charges, en recrutant des personnels, et en mettant en œuvre des plans d’action cohérentes avec les missions du Centre de recherche. Mais là ne s’arrête pas mon rôle, il me faut aussi rechercher des partenariats, des sponsors pour l’organisation et le financement de colloques, de séminaires, de manifestations scientifiques, etc. Alors on me rétorquera que la bonne volonté ne suffit pas et que la direction d’un pays ne se compare pas avec celle d’une entreprise aussi prestigieuse et importante soit-elle. Sans doute, mais il y a cependant des facteurs incontournables propres aux deux et de grandes similitudes. La bonne gestion des fonds publics est une exigence dans les deux cas, de même qu’une bonne administration des personnels. Mesurer les coûts d’une réforme et évaluer son bien-fondé est également essentiel. Mes fonctions actuelles m’obligent à être très scrupuleux en matière de gestion publique, elles exigent de moi des capacités managériales en même temps que d’avoir une vision d’avenir pour le Centre de recherche. Ce sont là autant de responsabilités qui exigent une connaissance approfondie de la règlementation juridique, administrative et financière. Pour l’Etat comme pour une entreprise cela s’appelle de la bonne gouvernance. La récente élection en France d’Emmanuel Macron a démontré qu’on peut être un grand serviteur de l’Etat et en même temps s’inspirer des méthodes entrepreneuriales qui réussissent, à l’image des start-ups. Il n’est pas contradictoire en effet de vouloir l’efficacité des services publics dans les grands secteurs de la société (Défense, sécurité, santé, éducation, etc.) et en même temps favoriser l’innovation, libérer les énergies et la créativité dans le pays, favoriser l’émergence de nouvelles industries, de nouveaux commerces, des PME-PMI, et permettre le rayonnement de la culture, afin de rendre le Sénégal plus compétitif à l’heure de la mondialisation. Et en ce sens mon expérience peut être utile à l’avenir et au développement de notre pays ».
Evidemment à ce stade de l’entretien une question subsiste, quand bien même elle est un peu provocatrice : Vous incarnez ce nouveau mouvement Un Autre Avenir mais le Sénégal n’attend pas après un homme providentiel, quand bien même il serait quincagénaire, alors en quoi votre démarche se veut-elle originale ?
« Certains penseront qu’il est plus facile de dire tout cela depuis la France, lorsqu’on a une position privilégiée. Je peux l’entendre mais j’ai envie de poser à mon tour une question à ces personnes : Plutôt que de voir les fils et les filles du Sénégal émigrer vers des cieux plus cléments, ne vaut-il pas mieux accueillir ceux qui estiment devoir rendre à leur pays ce que celui-ci leur a apporté ? On n’empêchera pas dans les mois qui viennent ces déplacements de population vers l’Europe, cela demandera du temps, des efforts, mais j’ai envie, avec mes amis, de me mettre au service du Sénégal pour que tous ensemble nous trouvions des solutions aux problèmes endémiques que connaît notre pays, la précarité de certaines catégories de la population aussi bien dans les grandes villes qu’en milieu rural et leur désir de trouver ailleurs un avenir meilleur. Notre mouvement Un Autre Avenir aspire à donner un nouveau souffle au Sénégal en lui apportant le meilleur de nous-mêmes, un savoir-faire acquis pour certains en Europe, pour d’autres en Asie où aux Etats-Unis. Aujourd’hui nous ne pouvons pas accepter de voir notre élite, notre jeunesse quitter le pays qui a tant besoin d’elle. Nous plaidons au contraire pour un retour au Sénégal du plus grand nombre de ses enfants et nous sommes certains que très vite notre voix portera pour un autre avenir du Sénégal.
Que dire de plus au terme de cet entretien si ce n’est que nous avons eu en face de nous un homme qui fort de son expérience politique est plus déterminé que jamais et qui entend bien désormais lier son sort à l’avenir du Sénégal en portant haut les valeurs et les couleurs de son mouvement Un Autre Avenir.