Ousmane Sonko, le leader du Pastef et candidat déclaré pour les présidentielles de 2024, aurait-il été touché par la grâce ? On pourrait le penser après avoir entendu l’interview qu’il vient d’accorder à France 24 et RFI . A l’écouter le loup se serait fait agneau, à ne pas en croire ses oreilles. Il a certes appelé à la rupture, la cessation de la coopération sénégalo-française telle qu’elle existe aujourd’hui, reconnaissant toutefois les relations séculaires existantes entre les deux pays, mais sans recourir à un vocabulaire agressif et un ton vindicatif, comme c’était le cas il y a peu encore.
Appelant à un partenariat « gagnant - gagnant », comme je le réclame de mon côté depuis longtemps, il pose néanmoins ses conditions et ne condamne pas les manifestations anti-françaises qui se font jour ici ou là, au Mali, au Niger et ailleurs, pas plus qu’il ne déplore la présence russe, en particulier militaire par le biais de la société de mercenaires Wagner, dans certains pays du continent. Parallèlement à cela il se montre assez critique face à cette volonté de « remplacement » qui s’exprime ici et là, en faveur d’une puissance plutôt qu’une autre, d’un drapeau plutôt qu’un autre, Ce changement ne semble pas lui inspirer une grande confiance craignant que cela se fasse au détriment de la souveraineté des pays concernés. Il n ’est jamais facile de danser sur un fil.
Le ton est nouveau, la philosophie même du discours a changé, le Sonko nouveau serait-il arrivé ? Où ne s’agirait-il pas plus simplement d’un changement de stratégie politique, afin de faire oublier l’affaire judiciaire dans laquelle il est aujourd’hui empêtré ? Ne cherche-t-il pas de cette façon à faire diversion auprès de l’opinion publique sénégalaise et à paraître comme quelqu’un de plus mesuré, à défaut d’être plus modéré ? Toute la question est là, et nul doute que les jours, les semaines et les mois qui viennent vont le contraindre à sortir de ce clair-obscur, de cette ambivalence de ses positions qui semble répondre davantage à une attitude électoraliste qu’un vrai changement de braquet.
Cela m ’amène à poser la seule question qui vaille à mes yeux, une question que tous les sénégalais devraient se poser : Qui est le vrai Sonko ? Celui, qui, hier encore, encourageait les manifestations dans la rue, voire les affrontements avec les forces de l’ordre et dont les appels ont parfois été à l’origine d ’émeutes faisant plusieurs victimes et dont certains propos étaient ce qu’on pourrait qualifier « extrémistes » et « populistes », ou celui qui se présente devant nous aujourd’hui comme le gendre idéal ?
Répondre à cette interrogation avant la consultation électorale de 2024 me paraît cruciale, après il sera trop tard, le loup serait alors dans la bergerie.
Ibrahima Thiam
Président du mouvement Un Autre Avenir