On est surpris et on ne peut qu’être consternés par l’ampleur de ce qui s’est passé pendant quatre jours consécutifs dans notre pays. On ne peut qu’être préoccupés par cette révolte populaire qui a conduit à l’affrontement des forces de l’ordre et des manifestants. La violence est aujourd’hui au-devant de la scène pour notre pays qui n’a jamais connu de tels débordements.
Il ne faut pas se voiler la face, les émeutes qui ont embrasé Dakar et d’autres villes, les pillages, les morts, ne sont pas liés uniquement aux poursuites judiciaires contre le dirigeant du PASTEF, cela va bien au-delà. La colère de la jeunesse sénégalaise a des origines beaucoup plus profondes. Même si aucune violence n’est justifiée, il y a une rage qui traverse le pays, il faut que Macky Sall le comprenne.
Notre jeunesse n’accepte plus les magouilles politiciennes et la corruption qui enrichit une minorité et appauvrit la majorité d’entre eux. Elle attend de ceux qui les dirigent une meilleure gouvernance et l’exemplarité. La jeunesse d’aujourd’hui refuse d’être instrumentalisée, manipulée. Ne pas l’écouter c’est prendre le risque de l’entraîner vers la radicalité. Le pays a besoin d’un retour au calme.
Il est de notre devoir de responsables politiques d’appeler à l’apaisement et nous appelons à la raison pour que, quelques soient les motifs, toutes les questions soient résolues par un dialogue franc et sincère entre le pouvoir et l’opposition. Nous nous sommes réjouis des multiples démarches et messages d’apaisement des membres de l’opposition, des autorités religieuses, de la société civile et de la communauté internationale. C’est un début, il faut poursuivre dans cette voie.
En revanche, il est nécessaire que la lumière soit faite sur toutes les exactions pour l’instauration d’un climat de confiance, et partant, d’une paix durable. Les forces de sécurité et des nervis, ou milices privées, ont eu recours à une force excessive, disproportionnée, contre des manifestants pacifiques, en toute impunité. Des militants politiques, des activistes et des défenseurs des droits humains ont été arrêtés et détenus arbitrairement. L’obstination du pouvoir confine à l’irresponsabilité.
Nous demandons aux autorités d’enquêter sur ces violences sanglantes, et de traduire en justice les responsables présumés de ces actes odieux. L’impunité qui règne de longue date au Sénégal offre un terreau fertile à ceux qui se livrent à des homicides et bafouent les droits humains sans craindre d’être amenés à rendre des comptes.
Les autorités doivent s’engager conformément à la constitution, à garantir un espace où les citoyens peuvent exprimer librement leurs opinions et manifester pacifiquement, sans crainte d’être arrêtés, agressés ou tués.
Le président Macky Sall n’a rien compris, ou ne veut rien comprendre, de la colère qui s’exprime plus massivement ces derniers jours, mais qui est sous-jacente depuis longtemps. Même si sa reculade face à la contestation populaire de la jeunesse sénégalaise est manifeste, Macky Sall n’a pas su décrypter le signal que lui a adressé son peuple. L’assouplissement du couvre feu, la promesse de centaines de milliards destinée aux jeunes, à elles seules, ne correspondent pas aux attentes de la population. Les questions liées au projet d’un troisième mandat, à l’instrumentalisation de la justice, au processus électoral qui popularisent les hostilités politiques sont auscultées, par le président de la République lors de son allocution à la nation. Une fois encore, il a raté une sortie “par le haut”.
Fatoumata Chérif DIA,
Vice-présidente du mouvement Un Autre Avenir
Responsable de communication de FORS (Fédération des Organisations Républicaines Sénégalaises)