Le motif de l’arrestation de Boubacar Seye prêterait à sourire si l’affaire n’était pas aussi grave. Le président de la fondation Horizons sans Frontières réclamait l’audit des fonds versés par la commission européenne aux pays africains, en particulier au gouvernement sénégalais pour lutter contre l’immigration clandestine. Il entendait dénoncer ainsi les milliards engloutis dans un puits sans fond car en réalité l’aide au développement des pays européens n’enrichit que les gouvernants. Les contribuables européens sont en droit de connaître l’utilisation de cette aide attribuée à certains pays pour lutter contre l’extrême pauvreté, facteur principal de la migration économique. Or les résultats sont très loin d’être atteints si l’on en juge par les cinq cent quatre-vingt-treize jeunes qui ont péri dans l’Atlantique, sans compter les nombreux autres portés disparus.
La seule réponse gouvernementale qui puisse dissiper tout malentendu est la publication d’un bilan transparent sur l’utilisation des fonds européens pour enrayer l’émigration clandestine. Au lieu de cela, Boubacar Seye s’est vu interpellé puis maintenu en prison en attendant d’être présenté à un juge ou pire, au censeur Macky Sall. Or de quel crime accuse-t-on Boubacar Seye ? Dénoncer l’échec de la politique migratoire du Sénégal encourt-il désormais à son auteur de goûter les geôles du régime ?
Les poursuites dont il fait l’objet pour « diffusion de fausses nouvelles » sont scandaleuses. Ce délit en effet n’est pour ainsi dire jamais pris en compte par aucune des grandes démocraties du monde soucieuses de la pluralité des opinions et du respect des libertés individuelles. Une fois encore le Sénégal, par le truchement de son président, se voit montré du doigt en matière de droits de l’Homme.
Ibrahima THIAM,
Président du mouvement Un Autre Avenir