Monsieur le Premier Ministre,
A Gossas vous avez interpellé les « opposants qui passent leur temps sur Instagram, Facebook et Twitter ». Permettez à un de ces néo-opposants internet, de vous écrire avec respect et considération pour vos hautes fonctions, pour vous dire pourquoi nous sommes obligés d’être actifs sur les réseaux sociaux.
Dans sa préambule la Constitution du Sénégal proclame « l’égal accès de tous les citoyens aux services publics ». Pensez-vous que les opposants ont les mêmes chances d’accès à la RTS et au journal Le Soleil qui sont des services publics, autant que l’APR ou la coalition BBY ? Est-ce que votre gouvernement respecte ce droit constitutionnel qui pourrait permettre aux opposants de faire connaître leurs profils comme vous l’avez fait pour votre candidat à la présidentielle de 2019 à travers les médias publics ?
Monsieur le Premier Ministre, en 2005 à Dakar, le gouvernement du Sénégal en partenariat avec l’UNESCO avait organisé une conférence sur le thème « les médias et la bonne gouvernance" vu l'importance du rôle des médias dans la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance. Les médias avaient explicitement été reconnus comme « indispensables pour garantir la transparence, la responsabilité et la participation, qui sont des aspects fondamentaux de la bonne gouvernance et du développement fondé sur les droits de l'homme » Le directeur de l’UNESCO à l’époque, Mr Koïchiro Matsuura disait que « les médias indépendants, libres et pluralistes jouent un rôle crucial dans la bonne gouvernance des sociétés démocratiques, en assurant la transparence et le respect des principes de responsabilité, en promouvant la participation et l'état de droit et en contribuant à la lutte contre la pauvreté ».
Monsieur le Premier Ministre pensez-vous que nos médias publics satisfassent à ces critères qui permettraient à votre opposition de s’exprimer en dehors des médias sociaux ?
Et puis dans ce monde de la « tectonique » comme le dit un célèbre journaliste sénégalais nul ne peut ignorer la puissance de ces médias. Sans Facebook Barack Obama serait-il devenu le premier président noir aux USA, lui qui n’était pas assez bien soutenu par les caciques de son propre parti lors des primaires contre Hilary Clinton ? Le président Trump communique plus à travers Twitter que par la voix de ses porte-paroles. Sans internet, il serait difficile pour Mr Mélenchon d’avoir la troisième force politique en France.
Monsieur le Premier Ministre, la presse privée qui devrait donner un espace de liberté d’expression à l’opposition et palier aux failles de la presse publique, est quasiment aux ordres et est devenue une presse de collaboration et de propagande. D’ailleurs plusieurs organes de presse appartiennent à des membres de votre gouvernement ou à des personnes très proche de la coalition BBY.
Les médias sociaux sont devenus des espaces démocratiques, incontrôlables par des Etats qui auraient tendance à imposer une pensée unique à ses populations pour en faire de simples porteurs de voix lors d’élections souvent truquées. Les réseaux sociaux sont ainsi les seuls canaux dont disposent les citoyens pour faire entendre leurs opinions ; et le bon sens commanderait à nos dirigeants de bien décrypter les messages qui y circulent, au lieu de mépriser ceux qui n’ont que ce moyen pour faire connaître leur « profil ».
Monsieur le Premier Ministre, il faudrait écouter les « opposants du net », comprendre leurs critiques souvent positives, et essayer de résoudre les problèmes posés sans filtres, au lieu d’ignorer le tsunami qui pourrait venir des réseaux sociaux et vous surprendre lors des élections présidentielles de 2019. Il se dit que les informaticiens russes ont contribué à la victoire de Trump, alors que la CIA réputée être le service de contre-espionnage le plus performant au monde, n’a vu que du feu.
Monsieur le Premier Ministre, pour toutes ces raisons et d’autres, les opposants que nous sommes, devrons continuer à squatter les réseaux sociaux pour faire entendre notre voix et vendre notre profil aux Sénégalais qui sont les seuls aptes à dire celui qui correspond à leurs attentes et voteront pour lui lors des élections présidentielles de 2019.
Espérant que la présente lettre ouverte retiendra votre attention nous vous prions de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, l’assurance de notre plus haute considération.