Sa candidature à la présidentielle de février 2019, avait été annoncée depuis la France, au finish, Ibrama Thiam se sera pas finalement au rendez-vous, faute d’avoir obtenu de nombre de parrainage requis. Dans cet entretien accordé à Guestuinfo, le chercheur sénégalais établi en France revient son engagement politique et jette un regard critique sur la gestion du pays.
Qui est vraiment Ibrahima Thiam ?
Les sénégalais qui ont découvert votre candidature lors des dernières élections présidentielles ont certainement envie d’en savoir un plus sur votre parcours et votre personnalité.
Je suis actuellement Secrétaire général d’un très grand centre de recherche (INSERM-SORBONNE UNIVERSITÉ). Dans mes activités je suis confronté quotidiennement à l’animation et la coordination d’équipes de chercheurs, à la préparation des budgets, la passation de marchés en programmant et planifiant les achats ainsi qu’en rédigeant les cahiers des charges, en recrutant des personnels, et en mettant en œuvre des plans d’action cohérentes avec les missions du Centre de recherche. Mais là ne s’arrête pas mon rôle, il me faut aussi faire de la veille stratégique et thématique pour les appels à projets scientifiques nationaux et internationaux, rechercher des partenariats, des sponsors pour l’organisation et le financement de colloques, de séminaires, de manifestations scientifiques, etc.
Peut-on comparer la direction d’un pays avec celle d’une entreprise aussi prestigieuse et importante soit-elle ?
Sans doute, mais il y a cependant des facteurs incontournables propres aux deux et de grandes similitudes. La bonne gestion des fonds publics est une exigence dans les deux cas, de même qu’une bonne administration des personnels. Mesurer les coûts d’une réforme et évaluer son bien-fondé est également essentiel. Mes fonctions actuelles m’obligent à être très scrupuleux en matière de gestion publique, elles exigent de moi des capacités managériales en même temps que d’avoir une vision d’avenir pour le Centre de recherche. Ce sont là autant de responsabilités qui exigent une connaissance approfondie de la règlementation juridique, administrative et financière. Pour l’Etat comme pour une entreprise cela s’appelle de la bonne gouvernance. Il n’est pas contradictoire en effet de vouloir l’efficacité des services publics dans les grands secteurs de la société (Défense, sécurité, santé, éducation, etc.) et en même temps favoriser l’innovation, libérer les énergies et la créativité dans le pays, favoriser l’émergence de nouvelles industries, de nouveaux commerces, des PME-PMI, et permettre le rayonnement de la culture, afin de rendre le Sénégal plus compétitif à l’heure de la mondialisation. Et en ce sens mon expérience peut être utile à l’avenir et au développement de notre pays ». Pour être complet je précise que j’ai publié un livre « Un nouveau souffle pour le Sénégal ». Cet ouvrage de réflexion et de propositions m’a permis de décliner ma vision et mon ambition pour le Sénégal. Je ne l’ai pas écrit pour ajouter une ligne à mon CV et répondre à une mode, je l’ai fait comme le paysan creuse son sillon avant de récolter pour ensemencer des idées et les faire rayonner. Je signale au passage que mon second livre, toujours sur le Sénégal, sortira en début d’année prochaine. J’aurai InshAllah l’occasion de revenir pour vous en parler.
Pourquoi vous n’êtes pas allé au bout du processus lors des présidentielles, étiez-vous suffisamment prêt pour gouverner le Sénégal, ou alors est-ce que ce n’était pas une candidature de témoignage, ou simplement pour vous faire voir ?
Je me suis lancé dans le combat des élections présidentielles de février 2019. C’était mon premier coup d’essai et il s’est soldé par un succès car n’ayant pas eu le nombre suffisant de parrainages pour prétendre être officiellement candidat. Plusieurs raisons expliquent cet échec. J’ai quitté le pays depuis plusieurs années pour rejoindre la France afin d’y poursuivre mes études et embrasser une carrière professionnelle. Cet éloignement, même si j’effectue des voyages réguliers au pays, ne m’a pas permis de me faire connaître suffisamment des électeurs. J’ai comme l’on dit en communication accusé un déficit d’image et de notoriété par rapport à mes concurrents. Le mouvement politique que j’ai créé et commencé à implanter à travers le pays était trop jeune car qu’est-ce que deux années au regard de la vie. Je n’ai donc pas eu suffisamment de temps pour constituer un véritable encadrement et créer un appareil militant. Mais comme l’écrivait Nietzsche « Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ». Je dois dire que j’ai beaucoup appris au cours de ces dix-huit mois et je dispose désormais d’un retour d’expérience très riche. J’ai rencontré beaucoup de gens, voyagé dans différentes régions, écouté et surtout « entendu » les observations, les propositions, les critiques des uns et des autres.
Comment êtes-vous venu dans le milieu politique ?
Parallèlement à ma carrière professionnelle je me suis toujours engagé dans le milieu associatif. En France, j’accompagnais parents et enfants de ma ville à remonter la pente de leurs difficultés. En effet, je présidais une association pour l’accompagnement à la scolarité des enfants du cycle élémentaire, des collégiens « décrocheurs » et des parents d’élèves confrontés à des situations administratives. En fin d’année, j’organisais des chantiers internationaux avec mon défunt ami Pape Matar Diop (paix à son âme). Nous organisions des voyages avec des jeunes en rupture de ban pour initier des travaux de rénovation des établissements scolaires de Kaolack, ma ville natale. Nous collections également du matériel informatique, des manuels, des fournitures scolaires afin de les distribuer aux écoles. J’ai aussi accompagné au montage de projets, à la recherche de financement des jeunes sénégalais dans la création de start-up. Certaines entreprises sous mon impulsion continuent toujours leurs activités. Cet investissement durant une dizaine d’années au Sénégal témoigne à quel point je demeure attaché à mon pays. Et même si je m’en suis trouvé éloigné physiquement j’ai toujours été très proches de mes compatriotes auxquels j’ai apporté régulièrement mon soutien. Enfin, j’ai pris conscience à travers ses différentes actions qu’il fallait aussi militer à l’assainissement de l’environnement politique dans mon pays. En 2013, j’ai décidé de prendre ma première carte du parti à Bokk Gis Gis. Mon mentor politique le Président Pape Pape m’a confié la fédération de France, ensuite celle de l’Europe de BGG. Je découvrais aussi le paysage politique sénégalais. Le reste de l’histoire, vous la connaissez.
On vous sait proche de certaines nouvelles personnalités politiques comme le juge Deme. Pourquoi vous n’aviez pas rejoint le CRD ?
J’ai tiré de cette première expérience politique très enrichissante de nombreux enseignements qui me serviront à l’avenir car j’entends bien poursuivre l’œuvre que j’ai entamée qui vise à la rénovation de notre vie démocratique sénégalaise, au développement économique du pays et à l’harmonisation sociale en faveur des personnes les plus fragiles. Quant à mon ami Ibrahima Hamidou Dème, c’est un homme de convictions et de tempérament. Nous partageons la même ambition pour notre pays et nous proposons une nouvelle offre politique, une alternative au pouvoir actuel à bout de souffle. En revanche je ne suis pas favorable à des coalitions de circonstances des partis politiques qui se liguent à chaque échéance électorale. Les acteurs politiques doivent prendre le temps de construire une réelle alternative. C’est ce travail que nous voulons mener ensemble avec le Président Ibrahima Hamidou Deme. En clair, nos deux organisations s’attelleront au cours des mois qui viennent dans un combat d’idées à travers des forums, des meetings, dans la presse, à la radio, sur les plateaux de télévision. Nos compatriotes ont droit à une confrontation démocratique, pacifique car il en va de l’avenir du pays.
Qu’est-ce qui vous lie avec Abdoulaye Mbodj, coordinateur des cadres de l’APR ?
Abdoulaye est un ami de longue date car nous avons fréquenté la même école et nous étions aussi dans la même classe. Notre relation dépasse le cadre politique. L’ambition ne l’a jamais habité si peu que ce soit. Abdoulaye Mbodj est un homme de devoir plus que de carrière, plutôt tourné vers les autres et non en quête de son intérêt personnel. Abdoulaye, un économiste hors pair ne laisse personne indifférent car il est dévoué, ferme dans ses convictions et constant dans ses engagements. En revanche notre point de désaccord c’est qu’il est soutien inconditionnel de Macky Sall. Il ne partage pas toutes mes opinions et nos positions virent à des joutes verbales dignes du pugilat. Malgré cela, nos divergences ne conduiront jamais à la rupture car l’amitié qui nous lie est plus forte que tout.
Président d’UN AUTRE AVENIR