La diffusion, il y a quelques jours, par la chaîne américaine CNN d’un documentaire sur une vente aux enchères de migrants africains en Libye à scandalisé le monde. En voyant ces images épouvantables on avait le sentiment de revenir plusieurs siècles en arrière, au temps de la traite négrière. Bien sûr le reportage a suscité une multitude de réactions révoltées un peu partout mais on était en droit d’espérer davantage de la part de certains dirigeants africains. On peut cependant se féliciter de l’indignation exprimée par le président en exercice de l’Union Africaine, le guinéen Alpha Condé et le gouvernement sénégalais. C’est à leur honneur. Il est d’ailleurs question que ce sujet soit à l’ordre du jour du prochain sommet Union Africaine-Union Européenne des 29 et 30 novembre prochains à Abidjan.
Assister impuissant à la présentation de « garçons grands et forts pour le travail de ferme pour un prix de 1 200 dinars libyens » l’équivalent d’environ 400 dollars était en effet proprement insoutenable. De telles scènes ont fait l’effet d’un épouvantable cauchemar dans l’inconscient collectif africain qui ne s’est jamais remis des siècles de déportation et d’exploitation du peuple noir.
L’histoire de l’esclavage remonte à loin si l’on songe à la Rome antique puis plus récemment à la période coloniale et à la traite des anglais et des français au XVIIe et XVIIIe siècles. Mais nous ne devons pas oublier qu’à partir du VIIe siècle et jusqu’à la fin du XIXe siècle s’est aussi mis en place un système de traite des Noirs d’Afrique par caravanes à travers le Sahara et par mer à partir des comptoirs d’Afrique orientale. Les esclaves noirs représentaient alors un enjeu commercial dans les sociétés arabes, que ce soit à l’armée, dans les mines ou aux champs.
Avec ce qui se passe en Libye on a l’impression de voir le passé ressurgir de plus belle avec ces passeurs, sans foi ni loi, qui après avoir dépouillé les migrants de leurs maigres moyens contre la promesse d’une traversée de la Méditerranée afin accéder aux côtes européennes, les vendent comme une vulgaire marchandise sur des marchés. On peut ainsi y acheter là des soudanais, des guinéens, des maliens, des érythréens, des ivoiriens, des somaliens, etc. On avance des chiffres effrayants.
Cette situation doit interpeler certains dirigeants africains dont la gestion calamiteuse est à l’origine de l’exil souvent mortel de leurs compatriotes et de l’enfer vécu par les populations noires. Pour ma part en qualité de président d’UN AUTRE AVENIR, en même temps que je condamne avec la dernière énergie cette pratique d’un autre âge (et pourtant plus actuelle que jamais) j’en appelle à des changements profonds dans la politique conduite aujourd’hui au Sénégal. Il est en effet essentiel de réaliser les réformes indispensables au pays qui permettront à chaque sénégalais de vivre au pays décemment, dans la dignité. C’est seulement dans ces conditions que nos compatriotes renonceront à prendre le chemin de l’exil avec ses terribles souffrances.
Ibrahima Thiam,
Président UN AUTRE AVENIR